- PÉTROLOGIE
- PÉTROLOGIEQuoique, étymologiquement, pétrologie signifie «science des pierres», son sens est traditionnellement restreint en France à sa partie interprétative, la partie descriptive correspondant à la pétrographie. Il est vrai qu’à l’époque où les sciences naturelles consistaient essentiellement à recenser, décrire et classer des objets, toute la pétrologie n’était que pétrographie. Les buts sont de nos jours plus ambitieux, et l’on peut redéfinir la pétrologie comme l’étude des mécanismes et processus de formation des roches. La pétrologie est elle-même un constituant des sciences plus vastes que sont, par exemple, la géologie, la planétologie et la cosmologie.Bien que le mot pétrologie ne sous-entende aucune restriction, les roches sédimentaires en sont traditionnellement écartées; leur étude fait l’objet de la sédimentologie et de la pétrographie sédimentaire. Aussi ne sera-t-il question ici que des roches dites de «profondeur», encore qu’il ne faille pas donner une importance exagérée à cette notion.Certaines roches possèdent la remarquable particularité de contenir certains éléments métalliques en proportions anormalement élevées. Elles peuvent ainsi constituer de véritables minerais et présenter alors un intérêt économique considérable. Leur étude n’en reste pas moins du domaine de la pétrologie, bien que le vocable «métallogénie», plus parlant et plus spécifique, soit le plus souvent employé à ce propos.1. Buts et méthodesÀ quelques exceptions près (phénomènes volcaniques essentiellement), les mécanismes qui aboutissent à la formation des roches sont longs et fort complexes. En outre, ils se déroulent presque toujours au sein de l’écorce terrestre. Enfin, très souvent, les roches subissent, une fois formées, une évolution qui peut être également très longue et très compliquée. Pour toutes ces raisons, il est généralement impossible d’assister à la formation d’une roche, et l’on ne peut qu’observer le résultat visible d’une succession de processus dont les effets se sont superposés. L’art de la pétrologie consiste alors, à partir de descriptions et d’analyses à toutes les échelles, à décrypter ce puzzle, en se référant constamment aux lois qui gouvernent la matière, quantifiées à l’aide d’expériences appropriées. Les résultats obtenus sont testés par calculs (simulation). En confrontant ces résultats avec les données analytiques, on pourra éventuellement modifier certains paramètres du «modèle» afin d’obtenir le meilleur accord possible.Les roches sont formées de phases, qui sont des corps parfois pratiquement purs, le plus souvent composés, en principe homogènes dans toutes leurs propriétés scalaires (composition chimique en particulier). Les plus importantes et aussi les plus spectaculaires de ces phases sont les minéraux. La minéralogie [cf. MINÉRALOGIE] est donc partie intégrante de la pétrologie. Les autres phases parfois présentes dans les roches sont les verres silicatés (cf. roches MAGMATIQUES) et les phases fluides, dont on n’observe que des reliques piégées dans de microscopiques cavités de certains cristaux, dites «inclusions fluides».Un aspect particulièrement important de la pétrologie concerne les changements de composition minéralogique – c’est-à-dire les changements de la nature des phases – et les changements de composition de ces phases – c’est-à-dire la répartition, ou partage, des constituants chimiques entre les phases. Ces phénomènes sont étudiés dans le cadre rigoureux et fort élaboré de la chimie physique ou thermodynamique chimique.Quelles que soient les phases constitutives, les particularités chimiques des roches et l’évolution de ces particularités (éléments majeurs, mineurs, traces) sont des aspects essentiels de leur étude. La pétrologie doit donc inclure dans ses méthodes celles de la géochimie [cf. GÉOCHIMIE].Mais les évolutions des roches ne sont pas uniquement chimicominéralogiques. L’étude des textures et des structures donne de précieux renseignements sur les dynamiques de cristallisation et de recristallisation, ainsi que sur les déformations subies. La tectonophysique et la tectonique apportent ainsi à la pétrologie structurale leurs méthodes et leurs fondements physiques et mécaniques (cf. TECTONIQUE, STRUCTUROLOGIE).Ces divers aspects de la pétrologie sont développés ci-dessous. Le caractère des roches, à fortes implications physico-chimiques, ne doit jamais faire oublier le fait que celles-ci sont des matériaux naturels, à histoire le plus souvent extrêmement complexe, presque toujours polyphasée. L’examen et la description précise d’échantillons par des méthodes simples (depuis l’observation à l’œil nu, sur le terrain, jusqu’à l’examen au microscope polarisant) constituent l’étape préliminaire indispensable de toute étude pétrologique. Par exemple, le microscope polarisant permet de déterminer simplement et rapidement la nature de la plupart des phases minérales présentes dans la roche, et parfois même d’en estimer plus ou moins grossièrement la composition chimique. En outre, et surtout, il permet l’observation fine des relations géométriques, voire chronologiques entre ces phases (présomption d’équilibre ou, au contraire, de déséquilibre entre deux espèces minérales, par exemple). Bien entendu, la plupart de ces observations ne sont pas quantifiables et leur interprétation reste souvent ambiguë. À ce stade de l’étude, l’expérience de l’opérateur est irremplaçable et se compare mieux à celle du médecin effectuant un diagnostic qu’à celle du physicien et du chimiste auxquels il va devoir s’assimiler pour la suite de sa recherche.2. Textures et structuresEn tout état de cause, la formation et l’évolution d’une roche sont des phénomènes hors d’équilibre, même si, comme on le verra plus loin, on peut fréquemment les assimiler à une succession d’états d’équilibre limités dans le temps et dans l’espace. C’est ainsi que la superposition, dans un même échantillon, de plusieurs états d’équilibre distincts qui se sont succédé dans le temps se traduit par une superposition d’associations minérales – ou paragenèses – dont les plus anciennes sont obligatoirement plus ou moins oblitérées. En outre, ces phénomènes se produisent souvent en présence de contraintes, responsables de déformations. Cinétiques de nucléation et de croissance des minéraux, superposition d’états d’équilibre successifs et présence éventuelle de contraintes, tels sont les facteurs qui font que l’organisation des phases constitutives des roches n’est jamais quelconque. On appelle texture (disposition mutuelle des minéraux, à l’échelle le plus souvent microscopique) et structure (disposition des minéraux et des roches dans leur contexte géologique) cette organisation. L’étude détaillée des textures et structures n’est pas abordée ici (cf. STRUCTUROLOGIE, PÉTROGRAPHIE, roches MAGMATIQUES, roches MÉTAMORPHIQUES, et seules sont données quelques notions fondamentales de pétrologie structurale.On peut prendre comme exemple la cristallisation d’un magma basique, en l’absence de toute déformation. Si le refroidissement est rapide, le liquide se fige en un verre caractéristique des roches volcaniques; ce verre englobe les cristaux déjà formés, certains (les plus précoces) de taille notable (phénocristaux), d’autres, formés plus tardivement et donc beaucoup plus rapidement, très petits et incomplets, tels les microlites. En revanche, un refroidissement extrêmement lent entraîne une cristallisation complète, pratiquement continuellement à l’équilibre (évolution «réversible»), qui se traduit par des formes polyédriques jointives de cristaux de taille millimétrique à centimétrique. Entre ces deux types extrêmes de textures, bien des cas intermédiaires peuvent être rencontrés dont l’étude est susceptible de donner des indications précieuses, par exemple sur l’ordre de cristallisation des différents minéraux.En réalité, les phénomènes sont beaucoup plus complexes, le nombre de paramètres qui interviennent étant considérable. Ainsi, les vitesses de nucléation et de croissance dépendent-elles certes de la température, mais aussi de l’homogénéité du milieu et des vitesses de diffusion des espèces dissoutes (donc de la viscosité du magma et de sa composition, y compris de sa teneur en éléments volatils, en eau en particulier); une espèce minérale à grande force de cristallisation, lorsqu’elle est en compétition avec d’autres espèces, peut redissoudre ces dernières afin d’acquérir sa forme propre: cette dernière ne sera pas, dans ce cas, un indice de cristallisation précoce. Des textures et structures particulières résultent de l’accumulation par sédimentation dans le liquide magmatique de cristaux précoces (cumulats).Dans les roches métamorphiques, les phénomènes sont du même ordre. Il s’y ajoute une importance primordiale des contraintes, donc des déformations. Certains minéraux à structure cristalline très compacte (grenats, par exemple) présentent la particularité de se rééquilibrer très difficilement après leur formation; ils ont tendance à fossiliser des structures, textures et compositions chimico-minéralogiques des états antérieurs. Leur étude apporte alors de nombreux renseignements sur ces événements anciens, surtout lorsqu’il est possible de corréler leur croissance avec les phases de déformation.Ainsi, le jeu des cristallisations, de recristallisations et des déformations tout au long de l’histoire d’une roche peut-il en principe être reconstitué à partir des structures et textures. En fait, la forme et la disposition des minéraux obéit à des lois complexes liées aux phénomènes de diffusion, de nucléation, de croissance cristalline, de phénomènes intergranulaires et, bien sûr, des champs de contraintes. Aussi l’interprétation des textures et structures résultantes est-elle souvent délicate. Leur analyse est pourtant indispensable car elle est pratiquement le seul moyen de montrer le caractère polyphasé ou non de l’évolution d’une roche. Un cas particulièrement démonstratif est donné par la figure 1: il concerne l’association minérale orthose + biotite + grenat + cordiérite (+ quartz + plagioclase). Cette association peut parfaitement être stable. Pourtant, la disposition relative de biotite + cordiérite, d’une part, du grenat et de l’orthose, d’autre part, indique ici que l’on a affaire à deux équilibres successifs:– le premier, à grenat + orthose (+ quartz + plagioclase);– le second, à cordiérite + biotite (+ quartz + plagioclase), qui résulte du premier, par hydratation, selon la réaction:grenat + orthose + H2Obiotite + cordiérite + quartz.La réaction n’est pas complète ici en raison de la couronne de cordiérite «blindant» le grenat relictuel, préservant ainsi l’association initiale.3. Bases physico-chimiquesSi on laisse de côté leurs aspects cinétiques et structuraux, on peut dire que la formation et l’évolution des roches s’effectuent sous l’action de facteurs physiques, aux premiers rangs desquels prennent place la température et la pression totale, supposée ici de type hydrostatique. Quoiqu’ils soient plus rarement pris en compte, on doit signaler d’autres paramètres possibles tels que le volume, ou encore l’entropie ou l’enthalpie (évolutions adiabatiques, en particulier).Ces facteurs agissent sur des ensembles chimico-minéralogiques, appelés systèmes, selon des lois très strictes (principes de la thermodynamique en particulier). On parlera de systèmes fermés – c’est-à-dire n’échangeant pas de matière avec l’environnement – lorsque les évolutions sont isochimiques (à composition constante) et de systèmes ouverts dans le cas contraire (évolutions à composition variable, dites métasomatiques).En toute rigueur, les évolutions dans la nature sont obligatoirement des processus hors d’équilibre, réglementés par la thermodynamique des phénomènes irréversibles. Pourtant, nombreuses sont les indications qui suggèrent que, dans l’écorce terrestre, ces phénomènes approchent de très près la réversibilité. Aussi est-il le plus souvent fait appel, en pétrologie, à la notion d’équilibre chimico-minéralogique, même lorsque cet équilibre n’est pas réellement atteint.Considérons une roche de composition chimique globale donnée, à une température et à une pression spécifiées. Cette roche est évidemment formée d’un assemblage de phases minérales solides et fluides; chaque phase a une composition chimique déterminée. Imaginons que l’on puisse modifier volontairement la nature et/ou la composition d’une ou plusieurs de ces phases, sans rien changer aux autres caractéristiques du système, et que l’on laisse ensuite ce système évoluer de lui-même sans autres contraintes. Si cette évolution s’effectue dans un sens tel que la roche retourne à son état original, on peut dire qu’elle était, et est de nouveau, à l’équilibre. L’ensemble des phases minérales correspondant à un équilibre est souvent nommé paragenèse. À chaque valeur des variables d’état (température, pression, variables de composition, etc.) correspond une paragenèse particulière.Il est clair qu’en pétrologie la notion d’équilibre chimico-minéralogique doit être limitée dans le temps et dans l’espace. En effet, cet équilibre implique l’homogénéité chimique, thermique et mécanique, condition qui ne peut être réalisée que pour un faible volume de roche (parfois inférieur au millimètre cube) et pour un temps limité. On parlera d’équilibre local ou d’équilibre mosaïque: juxtaposition de domaines non à l’équilibre entre eux, mais dont chacun a atteint un équilibre interne. Dans un métamorphisme périphérique à une intrusion granitique (métamorphisme de «contact»), par exemple, il existe un gradient thermique (qui évolue en outre avec le temps) depuis le contact avec l’intrusion jusqu’à la température ambiante régionale. À l’échelle de l’ensemble du site, il n’y a donc pas équilibre thermique ni, bien entendu, équilibre chimico-minéralogique global. Toutefois, on peut estimer avec une très bonne approximation que l’équilibre est atteint à l’échelle de l’affleurement et, a fortiori, de l’échantillon. À l’échelle du micro-échantillon (quelques millimètres cubes en général), la plupart des expériences réalisées (cf. infra ) confirment que l’équilibre est, sinon atteint, du moins approché de très près pour des durées largement inférieures à la durée des phénomènes géologiques profonds.La variance d’un système est le nombre de degrés de liberté de ce système, c’est-à-dire le nombre de paramètres que l’on peut arbitrairement fixer. C’est une notion fondamentale, qui permet de retrouver rapidement toutes les contraintes qui font qu’une roche ne peut pas être formée de n’importe quoi dans n’importe quelles conditions. Elle peut être également fort utile pour distinguer les associations minérales stables (à l’équilibre) de celles qui ne le sont pas.La valeur v de la variance est donnée par la célèbre règle des phases, simple conséquence des lois qui régissent les équilibres chimiques:﨏 est le nombre de phases du système, c le nombre de constituants indépendants, c’est-à-dire le nombre d’éléments chimiques ou de groupements d’éléments chimiques nécessaires et suffisants pour décrire le système; n est le nombre de paramètres physiques, le plus souvent pris égal à 2 en pétrologie (température et pression totale).Dans un espace à deux dimensions (deux variables prises en compte), les paragenèses bivariantes sont représentées par des portions de plan limitées par des courbes représentatives des associations univariantes. Ces courbes convergent vers des points qui représentent les associations invariantes. Les diagrammes représentatifs sont appelés «diagrammes de phases» dans les espaces TX (température-composition), PX (pression-composition), XX (composition-composition ou activité-activité). La figure 2 montre un diagramme PX.Dans l’espace TP (température-pression), l’étude de la topologie de la répartition des paragenèses a atteint un degré de sophistication considérable avec l’analyse chémographique. La figure 3 donne un exemple très simple d’un tel diagramme (stabilité des trois variétés polymorphiques Al2Si5) [cf. MÉTAMORPHISME].La répartition des divers éléments chimiques entre les diverses phases minérales qui constituent une roche obéit, bien entendu, aux règles de la thermodynamique chimique. Elle s’exprime par la «loi d’action de masse». Ainsi, l’équilibre entre un clinopyroxène Ca (Mg, Fe) Si26 et une olivine (Mg, Fe)2 Si4:s’exprime-t-il par la condition d’équilibre (en supposant idéale les solutions solides):X est la fraction molaire des constituants (pôles purs ferrifères Fe et magnésiens Mg) dans le clinopyroxène (Cpx) et l’olivine (Ol); K(T, P) est la constante d’équilibre, fonction de la température et de la pression, mais pas (du moins en principe) de la composition globale de la roche. On la nomme souvent coefficient de partage ou de distribution des éléments entre phases supposées à l’équilibre.Certains coefficients de partage dépendent fortement de la température et très peu de la pression. Si la fonction K = f (T) a été préalablement étalonnée, il est possible, en analysant la composition chimique de chacune des phases concernées, de déterminer la température d’équilibration de la roche. On parle alors de géothermométrie (ou de géobarométrie dans le cas inverse).Plusieurs géothermomètres ont été ainsi proposés, qui utilisent le partage d’un ou de plusieurs éléments entre deux minéraux: sodium et potassium entre feldspath alcalin et feldspath plagioclase («thermomètre de Barth»), fer et magnésium entre ortho- et clinopyroxènes, entre pyroxène et olivine, entre grenat et cordiérite, etc. Signalons encore le partage des isotopes stables de l’oxygène (16O et 18O) entre deux silicates (quartz et feldspath par exemple). Un autre géothermo-baromètre qui donne dans certains cas d’excellents résultats utilise la densité et la composition chimique des fluides fossiles piégés dans les inclusions fluides.D’une façon très générale, l’étude des interactions entre espèces minérales solides et phase(s) fluide(s) présente un intérêt considérable ainsi que l’ont démontré les nombreux travaux effectués ces dernières années sur le sujet. Ce sont en effet ces interactions qui conditionnent pour l’essentiel les phénomènes métasomatiques. C’est d’ailleurs sans doute dans ce domaine que les aspects physico-chimiques de la pétrologie ont été poussés le plus loin, créant véritablement une nouvelle chimie des solutions complexes à haute température et à haute pression.Très schématiquement, on peut ramener les interactions fluides-minéraux à deux types de phénomènes:– les échanges cationiques solides-fluides, tels queou bien– les dissolutions congruentes, telles que:La condition d’équilibre de la dernière réaction, par exemple, s’exprime en solution diluée par:où a est l’activité des différentes espèces dissoutes.La constante d’équilibre, qui dépend de la température, de la pression, mais souvent aussi de la composition de la solution, est nommée ici produit d’activité ou produit de solubilité de l’espèce minérale en cause.Les interactions entre phases solides et liquides silicatés (fusion, cristallisation) ne diffèrent pas fondamentalement de celles qui peuvent avoir lieu entre phases solides et solutions aqueuses (dissolution, précipitation). Toutefois, la structure et les propriétés physico-chimiques des magmas sont loin d’être aussi bien connues que celles des solutions fluides. Toutefois, il s’agit là d’un domaine dans lequel les connaissances théoriques ont progressé considérablement ces dernières décennies.4. Pétrologie expérimentaleLa nécessité de quantifier les relations existant entre les variables d’état des systèmes chimico-minéralogiques a amené les pétrologues à modéliser, sous forme de fonctions, ces relations. Encore est-il nécessaire d’en déterminer les paramètres, ce qui ne peut être obtenu que par expérimentation.Deux grands types d’études expérimentales sont pratiquées et utilisées depuis bien longtemps par les physico-chimistes, mais elles ont été adaptées par les minéralogistes, géochimistes et pétrologues, à des conditions infiniment plus sévères que celles couramment pratiquées en chimie.Le premier type consiste à mesurer directement les grandeurs thermochimiques essentielles des phases minérales: chaleur molaire, entropie, enthalpie de formation, auxquelles s’ajoute pour les phases fluides la détermination des volumes molaires dans la gamme des pressions considérées (de 1 à 10 000 bars en général). Les mesures sont d’abord effectuées sur les phases (pôles) pures, puis les grandeurs correspondantes sont estimées pour les mélanges (solutions fluides et solides) à partir de modèles et équations de mélange, eux-mêmes vérifiés à l’aide de nouvelles mesures. Il ne s’agit en fait que de calorimétrie classique (cf. CALORIMÉTRIE), mais appliquée ici jusqu’à des températures très élevées (1 000 0C et plus) et à des espèces chimiques de composition très complexe. On dispose à l’heure actuelle de données numériques, complètes et suffisamment précises pour un très grand nombre d’espèces minérales.Le second type d’étude, souvent plus directement utilisable, consiste à réaliser au laboratoire les équilibres existant – ou supposés exister – dans la nature. Le problème essentiel tient bien entendu à la nécessité d’atteindre – et de maintenir pendant des durées parfois très longues (jusqu’à plusieurs mois) – des températures et des pressions parfois extrêmement élevées.Plusieurs types d’appareillage sont utilisés, tels que le «piston-cylindre» ou l’«enclume au diamant», qui ont permis d’atteindre, à de très hautes températures (supérieures à 1 000 0C), les pressions fantastiques de l’ordre de plusieurs mégabars (106 atmosphères!).Le plus souvent, les expériences sont dites «hydrothermales», c’est-à-dire que les phases solides sont accompagnées d’une phase fluide en excès. L’échantillon de départ, composé de minéraux formant l’équilibre à réaliser, est placé avec la phase fluide dans une petite capsule d’or ou de platine; la capsule est ensuite scellée. Cette opération a pour but d’éviter les contaminations par le milieu extérieur (fluide vecteur de pression, paroi interne de l’autoclave). La capsule est ensuite placée, seule ou avec d’autres capsules semblables, dans un autoclave, c’est-à-dire un cylindre d’alliage spécial susceptible de supporter de très fortes pressions et températures. Deux techniques principales sont possibles.La plus ancienne, qui est encore la plus utilisée en routine, utilise de petits «autoclaves à joint froid», pouvant contenir une ou deux capsules. Chaque autoclave est placé dans un four régulé à la température désirée. On peut atteindre ainsi des températures de 750-800 0C et des pressions de 4 kilobars. L’autre technique utilise des «autoclaves à chauffage interne». Dans ce cas, c’est le four contenant les capsules qui est placé dans l’autoclave de grand volume. Cette technique permet de travailler jusqu’à 1 500 0C et 10 ou 15 kilobars. Le fluide vecteur de pression est le plus souvent de l’eau dans les autoclaves à joint froid; c’est toujours de l’argon très pur dans les autoclaves à chauffage interne. Dans les deux cas, pression et température sont maintenues constantes et sans cesse contrôlées pendant toute la durée de l’expérience. À l’issue de chaque essai, la capsule est trempée, afin d’éviter des réactions en retour, puis retirée de l’autoclave, et son contenu analysé.Le résultat de l’étude expérimentale de la composition d’une solution aqueuse chlorurée à l’équilibre avec deux feldspaths alcalins est donné à la figure 4 selon:dont la condition d’équilibre, pratiquement indépendante de la pression entre 0,5 et 2 kbar, peut s’exprimer par:MKCl et MNaCl sont les molarités totales en chlorures alcalins dissous.Au départ, la charge est formée d’un assemblage des deux feldspaths en proportions à peu près égales et d’une solution aqueuse de NaCl et KCl de rapport MKCl/MNaCl connu. À la fin de l’essai, on vérifie que les deux feldspaths sont toujours présents et on mesure la valeur finale du rapport MKCl/MNaCl. Afin d’être sûr d’avoir obtenu l’équilibre, on choisit de préférence des valeurs initiales situées de part et d’autre de la valeur d’équilibre soupçonnée.L’apport de la pétrologie expérimentale à la pétrologie en particulier et aux sciences de la Terre en général est fondamental. On peut dire que c’est grâce à cet apport que la géologie des phénomènes endogènes a quitté le domaine du qualitatif pour entrer dans celui du quantitatif.5. Différenciation et origine des rochesDans bien des cas, les systèmes chimico-minéralogiques que sont les roches évoluent à composition globale approximativement constante. Pourtant, nombreux sont les exemples qui montrent l’importance des transferts et partages de matière dans les phénomènes géologiques. Ces modifications de la chimie des roches s’effectuent pour l’essentiel par l’intermédiaire d’une phase fluide, et ce pour une cause très simple: en raison des différences marquées de leurs propriétés physiques respectives (densité, viscosité, en particulier), il est aisé de séparer mécaniquement l’ensemble des solides de la phase fluide. Comme la partition de la plupart des éléments entre ces deux ensembles est souvent importante, chacun d’eux aura, après séparation, une composition différente de la composition globale initiale.Parmi les mécanismes susceptibles de conduire à ce résultat, on peut citer les suivants:– le tri mécanique et l’altération différentielle des diverses espèces minérales. Ces mécanismes caractérisent l’érosion, l’altération superficielle et le transport des sédiments: les phénomènes superficiels sont une des causes essentielles de différenciation (cf. roches MAGMATIQUES, MÉTAMORPHISME, GRANITE);– la fusion partielle d’une roche, avec séparation mécanique du magma formé (moins dense et plus mobile, donc susceptible de migrer vers les zones supérieures à la faveur de fractures) et des solides résiduels qui restent plus ou moins sur place;– la séparation mécanique des premiers minéraux cristallisés à partir d’un magma et du reste de ce magma (dit magma résiduel): on parle alors de différenciation magmatique par fractionnement.Ainsi, selon un schéma classique, des liquides basaltiques proviendraient de la fusion partielle du manteau supérieur. Ces liquides, par différenciation magmatique, conduiraient à des cumulats de cristaux (péridotites, gabbros) et à des liquides résiduels de composition granitique. Les granites résultants peuvent être ensuite soumis à des altérations hydrothermales dues à des circulations de solutions aqueuses chaudes. Mais d’autres granites peuvent avoir une origine différente, par exemple provenir de la fusion partielle de matériaux de la croûte continentale ou océanique. Enfin, les matériaux de ces granites sont soumis aux phénomènes superficiels qui vont encore entraîner une importante différenciation.On conçoit aisément que l’étude pétrologique, telle qu’elle a été présentée jusqu’à ce stade, reste insuffisante pour retracer certains aspects de ces évolutions, et plus encore pour remonter à l’origine des roches auxquelles ont conduit ces évolutions. C’est une des raisons majeures de l’utilisation des méthodes géochimiques en pétrologie.Très schématiquement, on peut distinguer deux approches. La première est basée sur le principe selon lequel les différenciations ne se font pas de façon aléatoire, mais dépendent du comportement des espèces minérales dans les diverses circonstances énumérées ci-dessus. Elle utilise donc les éléments majeurs (Si, Al, Fe, Ma, Ca, Na, K, Ti, Mn) et parfois quelques éléments accessoires. La figure 5 donne un exemple de représentation graphique de certaines tendances géochimiques correspondant à quelques types essentiels de différenciation magmatique et sédimentaire. Lorsqu’une série de roches est supposée être cogénétique, les points représentatifs des analyses des divers échantillons doivent se localiser sur une des tendances. La zone d’«enracinement» de la tendance correspondante permet de déterminer l’origine de la série.La seconde approche consiste à utiliser les éléments mineurs et surtout les éléments en trace, y compris certains isotopes stables ou radiogéniques. Deux types extrêmes de comportement sont observés pour ces éléments:– En raison de propriétés chimiques extrêmement voisines, certains couples d’éléments ne fractionnent pratiquement pas au cours des différenciations. Au cours de l’évolution, le rapport des deux éléments considérés reste donc constant et égal à celui de la roche mère, qu’il peut alors caractériser.– Au contraire, certains éléments en trace ou mineurs ont un énorme coefficient de partage en faveur des liquides silicatés (éléments «hygromagmatophiles»). Toutefois, ce coefficient varie en fonction des espèces minérales qui étaient, avant séparation, à l’équilibre avec un magma. C’est ainsi que les terres rares sont souvent d’excellents traceurs des phénomènes de différenciation magmatiques.Il arrive fréquemment que certaines approches débouchent sur un schéma d’évolution et d’origine, mais que d’autres conduisent, dans ce cadre de schéma, à des résultats aberrants. Une interprétation possible est la superposition de un ou plusieurs autres mécanismes (contamination par un autre matériau, par exemple) qui viennent compliquer plus ou moins sérieusement le déroulement de l’évolution.Grâce à l’apport essentiel des méthodes et techniques de la chimie et de la physique (qui ont d’ailleurs été adaptées aux besoins des géologues pour donner les nouvelles branches que sont la géochimie et la géophysique), mais sans renier ses origines naturalistes auxquelles elle reste rattachée par la nature des objets qu’elle étudie, la pétrologie est passée, en quelques décennies, d’une discipline surtout descriptive, qualitative et comparative, à une science explicative et quantitative. Peu de sciences, sans doute, ont subi ces dernières années une mutation aussi rapide et aussi spectaculaire.• v. 1960; de pétro- et -logie♦ Partie de la géologie qui étudie la formation des roches.pétrologie [petʀɔlɔʒi] n. f.ÉTYM. 1845, Bescherelle; de 1. pétro-, et -logie.❖
Encyclopédie Universelle. 2012.